Des pêcheurs de Terre-Neuve ramenés chez eux par des membres de l’UCET à la Garde côtière canadienne

En cette fin de journée du vendredi 19 juillet, plus d’un jour après le début des recherches, les signes d’espoir étaient bien faibles. À part quelques débris flottants ici et là, il régnait un épais brouillard qui empêchait les équipes de recherche et de sauvetage de trois navires de la Garde côtière de voir le moindre signe des pêcheurs disparus – même pas leurs fusées éclairantes.

L’Elite Navigator, qui pêchait le turbot avec un équipage de sept personnes, n’avait pas donné signe de vie depuis le mercredi 17 juillet, tard dans la nuit.

Brad Sommers était alors chef cuisinier sur le navire Teleost de la GCC : « Nous avons pris nos jumelles et participé à la recherche – plus il y a d’yeux, mieux c’est… Je devais me lever pour aller travailler le lendemain matin, alors j’étais un peu découragé de quitter le pont à 9 heures sans n’avoir vu ni entendu un signe, mais c’est juste à ce moment-là que le brouillard s’est levé ».

Plus tard dans la nuit de vendredi à samedi, une fusée éclairante a conduit les sauveteurs à l’endroit où se trouvait le radeau de sauvetage. Sagement, l’équipage du radeau avait gardé sa dernière fusée pour le moment où la visibilité s’améliorerait.

L’épreuve avait été particulièrement difficile. « Certes, ils pouvaient entendre les hélicos, mais à cause de l’épais brouillard, ils ne les voyaient pas », raconte George Herritt, spécialiste du sauvetage de la Garde côtière canadienne (GCC).

C’était le moment voulu dont avaient besoin les responsables des activités de recherche et de sauvetage et l’équipage du navire Teleost de la GCC, membres de la Section locale 90915 de l’UCET. Les sept membres de l’équipage de l’Elite Navigator venaient de passer une cinquantaine d’heures sur leur radeau de sauvetage après avoir été évacués en raison d’un incendie à bord.

George Herritt explique qu’un spécialiste du sauvetage est l’équivalent d’un auxiliaire médical pour les garde-côtes. Après avoir atteint le radeau, lui et ses collègues commencèrent aussitôt à soigner les pêcheurs, tout en apprenant ce qui était arrivé à leur bateau de pêche. « L’Elite Navigator a brûlé, c’est une perte totale, raconte-t-il. La voilure du radeau s’est enflammée. Le vent le retenait sur la coque de l’Elite Navigator. Un homme a dû se jeter à l’eau et pousser le radeau pour l’éloigner du bateau. »

Brad Summers précise que le radeau a lui aussi été endommagé par des braises volantes alors que l’équipage dérivait à côté de son bateau, le regardant brûler jusqu’à ce qu’il coule et disparaisse sous les flots.

L’équipage de la GCC à bord du Teleost leur a prodigué des soins médicaux et les a mis en sécurité.

Brad leur prépara leur premier repas après leur séjour sur le radeau. « Ils ne voulaient pas se quitter. Certains ont dit avoir peur que ce ne soit qu’un rêve, et qu’ils se réveilleraient sur le radeau ».

Cette histoire a passionné la communauté locale, et une fois les « sept chanceux » de retour dans leur foyer, les médias nationaux et locaux ont célébré l’événement.

L’équipe de recherche et de sauvetage raconte le sauvetage héroïque des « sept chanceux » – NTV

Et il va sans dire que la communauté locale s’est mobilisée :

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Les spécialistes du sauvetage de la GCC à bord des navires SAR font partie d’un système polyvalent. Le travail d’équipe est essentiel pendant les opérations. La Section locale 90915 de l’UCET représente des membres qui participent à tous les aspects de la sécurité publique en mer. Les navires de recherche et de sauvetage de la GCC sont déployés par les contrôleurs de la R-S du sous-centre de sauvetage maritime de St. John’s T-N-L). Des membres de l’UCET faisaient partie de l’équipage du Teleost, ainsi que de ceux des navires de la Garde côtière Ann Harvey et Conception Bay qui participèrent également à cette opération ». Le centre secondaire de sauvetage maritime (MRSC) déploie également d’autres navires privés dans la région qui peuvent aider à la recherche. IL arrive que le MRSC fasse appel à des gardiens de phare locaux dans une zone de recherche pour fournir des images, des contacts à courte distance de même que des informations locales actualisées sur la zone.

C’est là que nous voyons à quel point le personnel, la formation et l’équipement sont essentiels lorsque des vies sont en jeu. Dans ce cas, les membres de la Garde côtière disposaient de ce dont ils avaient besoin pour effectuer leur travail, et les sept pêcheurs ont pu rentrer chez eux, auprès de leur famille.

C’est le meilleur résultat possible, mais ce n’est pas toujours le cas. En effet, on recense plus de 600 appels par an, et peu d’entre eux se terminent par un « miracle », comme ont qualifié ce sauvetage certains habitants de la région. Le stress et les longues heures de travail pèsent lourdement sur la santé mentale de nos membres, et ce sont les membres du MRSC qui sont chargés d’informer les familles et les autres personnes concernées, quel que soit le résultat de l’opération.

Les membres de la Section locale 90915 qui travaillent pour Transports Canada en tant qu’inspecteurs de la sécurité maritime ont notamment pour tâches d’inspecter les navires pour s’assurer que tous les règlements pertinents sont bien respectés, y compris l’équipement de sécurité approprié, comme le radeau de sauvetage, les combinaisons d’immersion et les fusées éclairantes sur lesquels l’équipage de l’Elite Navigator comptait pour survivre. Les inspecteurs de Transports Canada veillent également à ce que l’équipement de sécurité soit conforme à toutes les normes et approbations applicables, et entretenu conformément aux exigences réglementaires.

Le Bureau de la sécurité des transports enquête sur l’incendie à bord du bateau abandonné par « Lucky 7 » (citynews.ca)

Depuis le sauvetage, des membres de l’UCET travaillant avec le Bureau de la sécurité des transports en tant qu’enquêteurs maritimes ont été déployés pour enquêter sur l’incident afin d’en déterminer la cause profonde, d’étudier les facteurs contributifs et de formuler des recommandations pour améliorer la sécurité.

Des histoires comme celle-ci ne font que souligner ce que nous savons tous : les conditions de travail de nos membres sont fondamentalement liées à la sécurité publique. Le sous-centre de sauvetage maritime de St. John’s, qui a joué un rôle clé dans cette opération, avait été fermé par le gouvernement fédéral conservateur en 2012, mais il a heureusement été rétabli après les pressions exercées par la province en ce sens.

Plusieurs problèmes accentuent la pression qui pèse sur ces emplois critiques qui permettent de sauver des vies. Les membres de l’équipage de la GCC font partie de l’un des groupes les plus durement touchés par Phénix, dont les problèmes de toutes sortes n’ont toujours pas été entièrement corrigés. Même lorsqu’ils sont correctement payés, ces membres savent que les marins du secteur privé gagnent beaucoup plus.

George Herritt nous a laissé savoir que de nombreux collègues trouvent que la rémunération supplémentaire pour les postes de spécialistes du sauvetage n’en vaut pas la peine par rapport au surcroît de travail et de stress dont ils sont victimes : « Il s’agit d’une compétence particulière. Les garde-côtes essaient toujours d’obtenir plus de nous. Les gens baissent les bras. On ne sait jamais à quoi on va être confronté, ni d’ailleurs quel sera le prochain appel ».

Brad Summers quant à lui a ajouté : « J’ai déjà travaillé dans le secteur privé. Avec les garde-côtes, on est toujours stressé à l’idée que ce genre d’évènement se produise. En travaillant sur un navire de ravitaillement [dans le secteur privé], vous n’avez jamais à vous soucier de sauver qui que ce soit, et pourtant vous gagnez plus d’argent. À la Garde côtière, l’un des emplois les moins bien payés est celui de cuisinier, et pourtant il y a toutes ces contraintes supplémentaires ».

Le monde entier connait actuellement une grave pénurie de marins, et il arrive même que des navires soient immobilisés par manque de personnel.

Récemment, les techniciens de recherche et de sauvetage ont été reconnus pour le travail exigeant et stressant qu’il leur faut accomplir, et ils ont été rendus admissibles à la réforme des pensions, ce qui permet ainsi aux membres de prendre leur retraite après 25 ans de service dans certains emplois. Cependant, il n’est pas certain que cela couvre tous nos membres dans les opérations de recherche et de sauvetage, qui sont tous confrontés à toutes sortes d’effets néfastes aux niveaux mental et physique.

Nous ne pouvons pas non plus oublier les membres de la Section locale 90915 de l’UCET qui veillent à ce que les navires de recherche et de sauvetage soient toujours prêts à être déployés. L’entretien d’une flotte de navires vieillissants est un travail difficile. Les surintendants maritimes de la GCC doivent s’assurer que les navires sont disponibles lorsqu’un appel est lancé. Les spécialistes du sauvetage à bord des navires travaillent de longues heures et doivent être prêts à se déployer à tout moment.

Les marins doivent savoir que ce service sera là en cas de danger. Quant aux « sept chanceux » de l’équipage de l’Elite Navigator, ce n’est pas seulement la chance qui leur a souri puisqu’ils ont bénéficié de services publics solides et ont pu compter sur des travailleurs qualifiés et organisés. En matière de sécurité publique, de bonnes conditions de travail – formation, équipement, rémunération et autres avantages – sont synonymes de vies sauvées.