En collaboration avec Denise Reynolds, Agente des droits de la personne à l’UCET

Le 6 décembre 1989, en fin d’après-midi, un tireur s’est immiscé dans les locaux de l’École Polytechnique de Montréal, armé d’un fusil d’assaut semi-automatique, déterminé à laisser libre cours à sa haine.[1]

Le jeune homme de 25 ans s’est alors rendu dans une salle de classe où il y a séparé les hommes des femmes, ordonnant aux premiers de sortir. Seul avec les neuf étudiantes restantes, il leur cracha au visage sa haine des féministes avant de les arroser de balles, tuant six d’entre elles sur le coup. Les autres, blessées, firent le mort jusqu’à ce qu’il quitte la pièce.

Il s’est ensuite déplacé méthodiquement dans les couloirs et la cafétéria de l’école d’ingénieurs de l’Université de Montréal, tirant sur d’autres femmes, en fauchant certaines alors qu’elles couraient pour sauver leur vie, jusqu’à ce qu’il arrive dans une salle de classe du deuxième étage où il tua d’autres personnes tout en vociférant sa hargne. Après avoir poignardé sa dernière victime, il retourna alors son arme contre lui.

Lorsque la police intervint, il était trop tard. Le carnage d’une vingtaine de minutes avait causé la mort de quatorze femmes, dont treize étudiantes et une assistante administrative.

Le tireur avait visé les femmes qui se destinaient à une profession non traditionnelle, affirmant qu’elles prenaient la place des hommes. Il a fallu des décennies pour l’appeler par son nom : le premier féminicide au Canada.[2]

Alors qu’une femme ou une fille est tuée tous les deux jours de demi au Canada, il y a toujours une certaine réticence généralisée à appeler cette violence contre les femmes ce qu’elle est : un acte de haine.[3] Bien que les statistiques sur les taux de violence signalée à l’égard des femmes dans les relations intimes aient diminué au cours des dernières décennies, il n’en demeure pas moins dans la réalité que la violence à l’égard des femmes est restée au même niveau. En effet, la moitié des femmes au Canada ont été victimes de violence physique ou sexuelle. Nous devons adopter une approche meilleure, plus cohérente et plus nuancée dans notre soutien à toute femme, personne transgenre ou non binaire qui a été victime de violence, d’abus ou de harcèlement si nous voulons jouer un rôle dans l’éradication de cette violence.

Souvent, le coût social et psychologique de la dénonciation de la violence sexiste offre peu de recours à la justice. Selon une série d’articles d’investigation publiés dans le Globe and Mail, une femme sur cinq ayant signalé avoir été agressée a vu son cas rejeté par la police comme étant ‘non fondé’. La récente attention médiatique accrue sur certains cas très médiatisés a galvanisé le regard du public sur ces violations de la dignité humaine. #MeToo et #BeenRapedNeverReported sont des exemples typiques de mouvements qui ont réussi à sensibiliser le public.

 

Des restrictions plus strictes en matière de contrôle des armes à feu ont été introduites au Canada, en partie grâce à un certain nombre de survivantes de Polytechnique qui continuent de se battre pour des restrictions plus sévères encore aujourd’hui. Les intervenants d’urgence reçoivent une formation sur la façon de faire face à des tireurs actifs, et de gérer leur stress et leurs émotions afin de prendre les bonnes décisions dans des situations dangereuses.

C’est pourquoi nous rappelons que le 6 décembre est une journée d’action contre la violence faite aux femmes.

Nous nous souvenons de ces visages.

Ces vies perdues à cause de la violence.

Ciblées parce qu’elles étaient des femmes.

 


[1] https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1069923/manifestation-parc-lobby-armes-feu-tuerie-polytechnique-poly-se-souvient

[2] https://theconversation.com/the-montreal-massacre-is-finally-recognized-as-an-anti-feminist-attack-128450

[3] https://canadianwomen.org/fr/les-faits/violence/