SOS … Appelons la Garde côtière canadienne et les services de recherche et sauvetage, partie la première :
Il éxistait besoin d’une Garde Cotière Canadienne pour les services de recherche et sauvetage
Ken Clavette
Union Canadienne des employés de transports (AFPC)
Au petit matin du 23 juillet 1960, au large de la côte Schelt de la Colombie-Britannique, le bateau de pêche Unimak heurte un câble de remorquage tirant une barge. En un rien de temps, d’autres bateaux de pêche répondent à l’appel au secours de l’Unimak lancé par les membres d’équipage coincés dans la barge. Ils communiquent avec ceux qui étaient à l’extérieur en espérant qu’ils seraient sauvés. Mais par qui ? Malheureusement, en 1960, il n’y avait pas d’équipes de recherche et de sauvetage du type de celles que nous connaissons aujourd’hui. Les membres de l’équipage périrent lorsque leur bateau finit par couler sous 70 brasses de profondeur. Quatre personnes se noient cette nuit-là, seul un membre de l’équipage survit. Ce qu’il s’est passé sur ces eaux sombres va ébranler le gouvernement de John Diefenbaker et le ministère des Transports. Mais ce n’est que la deuxième catastrophe maritime sur la côte ouest en un peu plus d’un an qui amène la nation à croire qu’une garde côtière canadienne est indispensable et qu’elle doit disposer d’une flotte de recherche et de sauvetage.
Explosion du cargo Ferngulf
SOS : « Nombre élevé de grands brûlés et de mourants », tel est le message diffusé sur la fréquence de détresse internationale à 16 h 23, le vendredi 1er mai 1959. L’appel provient du Ferngulf, un cargo norvégien en feu, au large de Point Atkinson, en vue de Vancouver. Les membres de l’équipage venaient tout juste de s’asseoir pour prendre leur repas du soir lorsque l’explosion se produisit sous leurs pieds. Il y eut alors un rugissement assourdissant, puis un rideau de flammes, après quoi les tables du salon s’affaissèrent et les cloisons s’effondrèrent.
En quelques minutes, l’opérateur au centre d’alarme-incendie de Vancouver informe le chef des pompiers de l’explosion sur un bateau et du nombre de blessés. Le capitaine demande qu’un bateau-pompe soit dépêché et qu’un médecin soit envoyé sur son navire. Le coordonnateur des secours air-mer appelle pour indiquer qu’un cargo norvégien situé à quatre milles à l’ouest du pont First Narrows a subi une explosion par sa cheminée et que son capitaine a demandé l’envoi de premiers secours et d’un bateau-pompe. Mais en l’absence de Garde côtière pour coordonner le sauvetage, la confusion s’installe. Le chef des pompiers ne peut en effet prendre aucune mesure sans l’approbation du maire de Vancouver, or celui-ci est absent de son bureau. Le chef se tourne alors vers le commissaire municipal qui s’inquiète de l’envoi du bateau-pompe, une situation qui laisse le port sans protection. De plus, le conseil municipal avait déjà adopté une résolution selon laquelle le bateau-pompe ne devait pas quitter les limites de la ville, de sorte qu’il estime ne pas avoir l’autorité nécessaire. Certes, le Ferngulf est en vue de Vancouver mais pas dans les limites de la ville ; il a pris feu mais ne semble pas pouvoir être secouru.
De la mousse, des tuyaux et des buses sont transférés à un bateau de sauvetage de l’Aviation royale canadienne, destiné à secourir les équipages en cas d’écrasement d’un avion de l’armée de l’air dans l’océan. Le bateau-pompe no 2 reçoit l’ordre de se tenir prêt à intervenir au cas où le cargo serait remorqué dans la cale sèche de Burrard — ce n’est qu’à ce moment-là qu’il pourrait combattre l’incendie. Dans les jours qui suivent, personne ne peut fournir d’informations concises sur l’ampleur de la mauvaise réaction. L’envoi de l’aide médicale était assuré par le service de sauvetage maritime du ministère des Transports. Certes, de nombreux petits bateaux répondirent au SOS et se retrouvèrent autour du cargo pour participer à son évacuation, mais il n’y avait aucune réelle coordination. Fort heureusement, deux destroyers de la Marine royale canadienne, le Saguenay et l’Assiniboine, se trouvent au port. Leur commandant ordonne alors aux équipes de pompiers des deux navires d’intervenir, ainsi ils parviennent à maîtriser l’incendie après quatre heures de lutte.
L’explosion fut probablement causée par « un surchauffement du palier de butée qui enflamma les vapeurs de carburant dans le poste de pilotage », selon les conclusions de l’enquête du coroner. Un survivant, Jen Hansen, un garçon de cabine de 18 ans, déclara : « Alors que je lisais The Sun dans ma couchette, j’entendis soudainement une forte explosion. La salle des machines se situe juste en dessous de moi. Je pense que c’était un brûleur à fioule. Il y avait de la fumée partout. Je ne pouvais rien voir. Je ne me souviens pas de ce qu’il s’est passé. Je pensais alors me tenir près d’un hublot … mais il n’y en avait pas ! Il n’y avait pas de murs non plus. La fumée s’est dissipée. Je ne voyais plus aucun mur. Je suis sorti sur le pont. J’avais mal aux pieds. »
L’ingénieur en chef du Ferngulf, Per Stadlund, subit des brûlures de la tête aux pieds, la partie inférieure de son corps et ses membres complètement écorchés, mais ses premières pensées furent pour son navire et l’équipage. Il parvint à se hisser jusqu’aux commandes et à stopper le navire, mettant fin au danger d’échouement ou de collision. « J’ai envoyé un SOS et ai couru jusqu’ici pour voir si je pouvais faire quelque chose « , déclara le capitaine Willian Archer. Il ouvrit une porte et se glissa dans l’espace. Ce n’est qu’en s’agrippant à une minuscule balustrade sur le côté qu’il évita de tomber dans le brasier en dessous. « Je ne sais pas encore comment ils ont pu sortir de là alors que la plate-forme n’existait plus », indiqua-t-il.
Le lendemain, le capitaine se prit de colère contre les autorités de Vancouver qui n’e répondirent pas à son appel de détresse. « J’ai envoyé un SOS dès que l’explosion s’est produite, et la ville nous a dit que nous étions en dehors des limites. Puis, plus d’une heure plus tard, on nous a dit qu’un bateau-pompe et un médecin allaient arriver. Nous n’avons jamais vu ce bateau. Un hélicoptère est venu tourner autour mais n’a pas atterri. Nous n’avions pas de médecin à bord, et pendant une heure, les hommes n’ont reçu aucun traitement, sauf de ma part. Je n’arrêtais pas de leur administrer de la morphine », déclara le capitaine Archer aux médias locaux. Au bout du compte, un médecin et un caporal de l’ARC arrivèrent par hélicoptère en provenance de Sea Island. Malgré la confusion qui régnait dans les opérations de sauvetage, le danger était réel sur la terre ferme, et la police de North Vancouver était suffisamment organisée pour faire du porte-à-porte et procéder à l’évacuation d’une cinquantaine de familles le long du rivage, de peur qu’une autre explosion ne mette en danger les personnes faisant face à l’inlet Burrard. L’inquiétude était réelle étant donné que l’incendie se rapprochait des 400 tonnes de fuel du navire.
Le 2 mai, le Ferngulf rentra tant bien que mal au chantier naval de Burrard, véritable navire sans vie, traînant sa carcasse derrière plusieurs remorqueurs qui étaient dans l’impossibilité de remettre à l’endroit le drapeau norvégien comme signal de détresse parce qu’il avait la même apparence dans les deux sens. L’équipage chargé du remorquage ajouta alors un drapeau canadien sur le mât de misaine qui « flottait oisivement dans le vent léger, l’Union Jack à l’envers ». Ce symbole international de détresse concernait non seulement le navire, mais aussi la réponse du Canada aux catastrophes en mer. L’absence de réponse a rapidement attiré l’attention internationale. Un journal norvégien qualifia le refus de Vancouver d’envoyer de l’aide au cargo en feu « à la limite d’un acte criminel ». Les propriétaires du navire déclarèrent au journal : « Je doute que nous puissions faire plus que condamner moralement une telle mentalité de bureaucrate. »
Alors que le débat sur l’absence d’l’intervention se poursuivait, le chef mécanicien, Per Stanslund, gisait dans le service des urgences avec des brûlures sur 80 % de son corps. Un autre membre d’équipage, Magnus Larsen, était déjà décédé à l’hôpital général de North Vancouver, le 14 mai.
Les marins et le public canadien se demandèrent qui pouvait bien être responsable du sauvetage des personnes qui étaient en mer à l’époque.